Une femme sur 8 sera touchée par un cancer du sein. Il est le plus fréquent en France et représente la première cause de décès par cancer chez les femmes. Pourtant, le cancer du sein n’est inscrit sur aucun tableau des maladies professionnelles.
Pourquoi cette absence ? Les femmes ne sont-elles pas exposées aux cancérogènes au travail ?
Pourtant, alors que le travail de nuit se généralise à tous les secteurs, il est établi qu’il représente un facteur indéniable de risque de cancer du sein pour les femmes.
De même, il est établi que les radiations sont des facteurs de cancers pour les personnels de bord dans les avions ou travaillant dans le milieu médical. Milieux dans lesquels les femmes sont largement sur-représentées.
Alors que les données scientifiques sont bien présentes et plaident pour une meilleure reconnaissance des cancers professionnels pour les femmes, il n’y a guère d’avancées sur le sujet.
Alors pourquoi un tel retard ? Une seule réponse : le sexisme !
En effet, le processus pour l’inscription d’une nouvelle maladie, ou la modification des tableaux existants des maladies professionnelles est en général hyper restrictif et lent. Et pour les femmes, c’est encore pire !
Tout d’abord les recherches sur les origines professionnelles des cancers spécifiques des femmes sont moins nombreuses. Il manque encore beaucoup de données.
En trente ans, le nombre de nouveaux cas de cancers a presque doublé en France. Cette hausse concerne particulièrement les femmes. Comment expliquer l’explosion des cancers en France, si ce n’est par les multiples expositions aux substances chimiques cancérogènes.
Des expert·es rappellent que les facteurs de risque dits classiques, comme le tabac, l’alcool ou la sédentarité, ne suffisent pas à expliquer cette explosion. Les facteurs environnementaux sont nombreux : résidus de pesticides, perturbateurs endocriniens, microplastiques, nanoparticules, métaux lourds… et leurs effets toxiques sont multipliés par un « effet cocktail ».
Faute de recherche sérieuse, des milliers de femmes touchées par le cancer seront exposées à des discours culpabilisants d’ordre médical : c’est la faute de vos hormones, vous n’avez pas eu d’enfants, vous n’avez pas allaité, vous avez eu vos règles trop tôt, etc., et, bien sûr, vous ne faites pas assez de sport, vous mangez trop ou pas assez bien.
Si les causes hormonales et le mode de vie sont des facteurs de risques indéniables de ce cancer, le corps médical ne s’interroge que très peu sur ses causes environnementales et professionnelles. Les femmes ne seront pas incitées à examiner les éventuelles causes professionnelles de leur cancer. Ce qui explique que seule 1 femme pour 11 hommes obtient une reconnaissance en maladie professionnelle.
Puis, de manière générale, les expositions professionnelles des femmes sont invisibilisées, minimisées, pour ne pas dire carrément niées. Le fait que les femmes soient plus fréquemment confrontées à des carrières hachées, à de la précarité et du travail non déclaré participe à ce phénomène. Elles sont aussi concentrées dans certaines catégories professionnelles, où les risques professionnels sont invisibilisés : par exemple, les 3 ou 5 tonnes cumulées (le poids d’un éléphant) portées par jour par les caissières et soignantes dans les hôpitaux et EHPAD, ou les efforts cardiaques des femmes de chambre soumises à des cadences infernales de nettoyage, ou encore les cocktails de produits chimiques dangereux auxquels sont exposées les coiffeuses, esthéticiennes et fleuristes.
Plus de 100 ans après les premiers tableaux de maladies professionnelles en 1919, les cancers du sein, de l’utérus, du col de l’utérus ne sont nulle part ! Bref on pourrait presque croire en lisant ces tableaux que, pour le ministère du Travail, les travailleuses ne tombent pas malade !
Il a fallu attendre octobre 2023 pour que le cancer de l’ovaire soit reconnu comme maladie professionnelle pour exposition aux fibres d’amiante !
Cette absence de tableau est très préjudiciable pour les femmes. Aujourd’hui, alors qu’elles sont exposées à de multiples cancérogènes au travail, elles devront mener une longue lutte pour faire reconnaître l’origine professionnelle de leur cancer et obtenir réparation auprès de leur employeur.
La situation des salarié·es (majoritairement des femmes) de TETRA MEDICAL en est une bonne illustration. Elles ont été exposées au travail à l’oxyde d’éthylène, un cancérogène, mutagène et reprotoxique avéré utilisé pour stériliser le matériel médical, alors qu’elles ne disposaient d’aucune protection. Elles viennent de gagner en juin et juillet après un long combat le droit d’être partiellement indemnisées au titre du préjudice d’anxiété par deux jugements des conseils des Prud’hommes.
Les experts scientifiques indiquent qu’il n’y a pas de seuil de toxicité pour ce gaz, le SCOEL (comité scientifique des Valeurs Limites d’Exposition Professionnelle pour l’UE) n’a en conséquence pas recommandé de valeur limite professionnelle. Pourtant c’est bien une Valeur Limite d’Exposition Professionnelle (VLEP) qui a été établie et transposée par le décret du 9 décembre 2020.
Il était plus important que les employeurs puissent continuer d’utiliser ce produit, plutôt que de préserver la santé des travailleuses concernées.
Conclusion, non seulement les femmes risquent de continuer à être exposées à ce cancérogène sans effet de seuil au travail, mais, en plus, elles auront toutes les peines à faire reconnaître l’origine professionnelle de leur cancer.
La santé au travail passe après la recherche du profit, et la lutte des classes s’exprime aussi dans l’appropriation par les employeurs de nos vies.
Rappelons-le si nécessaire, le cancer, même s’il est mieux soigné reste toujours une maladie mortelle, il laisse de nombreuses séquelles et cicatrices pour les femmes, la prévention des cancers des femmes doit devenir enfin une priorité !
Leurs économies nous coûtent cher !
Faire des économies sur la santé, c’est prendre le risque que l’état de santé des salarié·es se détériore, ce qui coûte finalement plus cher à la collectivité.
En refusant de mener de véritables politiques de prévention des cancers professionnels pour préserver les intérêts des employeurs, les pouvoirs publics contribuent à l’épidémie de cancers et négligent le suivi médical, donc le traitement précoce, des personnes les plus exposées.