Droits de douane et « guerre commerciale » de Trump : quelles réponses pour les travailleurs et les travailleuses ?

Lorsqu’il a annoncé le 3 avril la mise en place de droits de douane sur les produits importés aux Etats-Unis, Donald Trump a déclenché une tempête économique et boursière de grande ampleur.

Une remise en cause inédite de la mondialisation, dans la plus grande confusion

Si les annonces de Donald Trump ont suscité autant de turbulences, c’est parce qu’elles perturbent de façon inédite un des piliers les plus solides du capitalisme ultralibéral qui pilote l’économie mondiale depuis les années 80, le « libre-échange ». De concert avec la dérégulation qu’ils ont mené à l’intérieur de leurs Etats (privatisations, austérité salariale, fiscalité avantageuse pour les plus aisés, détricotage du droit du travail), les dirigeants politiques ont procédé à la dérégulation des échanges de marchandises et de capitaux entre les Etats, en supprimant les droits de douane et tous les « obstacles » au commerce international.

Cette libéralisation du commerce mondial a d’ailleurs justifié et accéléré les politiques régressives menées au plan national : pour retenir et attirer les capitaux des multinationales désormais capables de déplacer biens, usines et capitaux à l’échelle du monde, il convient de leur proposer ce qu’ils souhaitent : des salaires contenus, des impôts accommodants ou encore des subventions publiques. Sinon, ces entreprises brandissent la menace de la délocalisation… Délocalisations qu’elles n’ont pas hésité à utiliser, ruinant ainsi des filières entières de l’industrie française (textile, sidérurgie, électronique, etc).

En signifiant le rétablissement de tarifs douaniers sur les biens importés aux Etats-Unis, Donald Trump envoie donc un grand coup de pied dans la mondialisation et donc plus encore dans le capitalisme néolibéral, alors même que son pays avait été un des plus grands promoteurs de l’une et de l’autre. Paradoxale décision, s’agissant d’un milliardaire, éminent représentant de ce même capitalisme débridé ? Paradoxe qui fait que les syndicats de travailleur-ses automobiles américains, confrontés aux ravages du libre-échange aux Etats-Unis ont pu saluer cette politique protectionniste alors que les mêmes descendaient dans la rue contre les ravages sociaux provoqués par les licenciements sauvages perpétrés par le même Trump contre les services publics. Cependant, tout ce que le capitalisme compte de représentants influents, aux Etats-Unis en particulier, entreprises multinationales, bourse de New York, banque centrale se sont empressés de lui rappeler combien la dérégulation du commerce mondialisé était un levier majeur de préservation de leurs richesses. Et c’est bien cela, outre son outrancier et déstabilisateur « art de la négociation » alternant le chaud et le froid, qui explique la volte-face brutale de Donald Trump quelques jours plus tard, suspendant la plupart de ses mesures.

Quelles réponses pour les travailleurs et les travailleuses ?

La décision unilatérale de Donald Trump ne sera pas sans incidence sur l’emploi en France : les filières de vins et spiritueux (Cognac, Champagne) ou de produits de luxe exportent une part importante de leurs productions vers les Etats-Unis. Cependant, les filières industrielles françaises ont bien plus souffert des délocalisations décidées par les multinationales, la part de l’industrie ne représentant plus que 13 % de l’emploi total (et 9,7% du PIB). C’est une des causes majeures de la précarisation des travailleurs et travailleuses et l’un des ferments puissants du vote extrême droite.

Les déclarations des autorités européennes et françaises ne sont ainsi pas du tout adaptées. Unanimement, toutes réclament un retour à la situation antérieure, celle de la dérégulation commerciale. La Commission européenne, poussée par les industriels (filière automobile allemande, agro-industrie productiviste, ou représentant du luxe, tel Bernard Arnault), multiplie même les démarches pour accélérer l’ouverture d’espaces commerciaux, en particulier au moyen du très controversé accord avec le Mercosur.

Répondre à la poussée impérialiste de Donald Trump par toujours plus de mondialisation, donc de mise en concurrence des travailleurs-euses et des systèmes sociaux à l’échelle du monde n’est évidemment pas la réponse attendue par les travailleurs-euses.

Bien au contraire, l’Union syndicale Solidaires appelle à plus de régulation, pour plus de protection des travailleurs et les travailleuses. Plutôt que de se priver délibérément de l’outil douanier, utiliser les instruments de régulation commerciale pour encourager le redressement de filières de production, aptes à répondre aux besoins locaux et conformes aux normes sociales et environnementales, constitue un outil essentiel pour garantir des emplois stables, libérés de la contrainte compétitive permanente.

Entre la mondialisation plus forcément heureuse toujours soutenue coûte que coûte par Ursula Von der Leyen, le gouvernement français et l’impérialisme confus de Donald Trump, Solidaires soutient un autre choix, celui de la régulation publique, centrée sur la préservation de la souveraineté, des relations internationales équilibrées et la protection des travailleur-ses contre les ravages sociaux, fiscaux et environnementaux.